Aucun colloque n’a jamais été spécifiquement consacré à Priscien, aucune recherche d’ensemble n’a jamais permis de prendre la véritable mesure de l’importance et de l’originalité de cet auteur, aucune traduction n’a jamais été faite de ses principaux textes dans une langue moderne. Des travaux nombreux, mais toujours ponctuels et par force partiels, n’ont fait que souligner la multiplicité de points non éclaircis et d’énigmes encore sans solution, sans parvenir à sortir cet auteur de l’obscurité où la Renaissance l’avait plongé après (et à cause de) l’immense succès que ses œuvres avaient rencontré au Moyen Age, tout au long duquel il est apparu comme l’un des tout premiers passeurs de culture.
Africain installé à Constantinople en milieu grec, Priscien était au début du 6e s. le représentant le plus en vue de l’enseignement de la langue latine. Héritier de la tradition grammaticale romaine, il entreprit de la renouveler par les apports grecs issus de la grammaire alexandrine, et engagea ainsi à la fin de l’Antiquité une synthèse et une refonte de la grammaire antique en faisant confluer ses principaux courants.
Introducteur dans le domaine latin de l’analyse des relations entre constituants de l’énoncé, créateur de la première grammaire moderne en Occident, Priscien a tiré parti des différents aspects de l’analyse de la parole, en intégrant à sa réflexion des recherches menées dans d’autres domaines de ce champ, notamment en rhétorique. Il a ainsi initié une analyse des fonctions des catégories du langage qui a permis l’émergence de nouveaux modes d’interrogations, dans une perspective de théorie de l’information dont plusieurs éléments ne paraissent pas sans rapport avec les recherches actuelles en matière de pragmatique.
Il est particulièrement remarquable que cet effort d’innovation mené dans la partie orientale de l’Empire romain ait répondu au recul de la langue latine et de son enseignement face au grec, et se présente comme une solution face à ce recul. L’apprentissage et la maîtrise des codes d’analyse de la langue, pratique culturelle largement développée par l’Antiquité, se voient ainsi relégitimés par cet auteur. Par là, au cœur de l’œuvre de Priscien, c’est la question même de l’enseignement de la langue, de ses justifications et de ses finalités, qui est posée.
Incontestable innovateur au cœur de l’Antiquité tardive, Priscien a été ce passeur par qui l’époque médiévale a eu connaissance de la description linguistique complexe : son influence, décisive durant tout le Moyen Age, a encore des échos perceptibles jusque dans la tradition classique. Une mise au point s’impose sur cet auteur à multiples dimensions, chez qui se croisent les spécificités et les ambiguïtés de l’Antiquité tardive, un état des lieux qui prenne en compte le personnage et l’œuvre dans sa globalité et sa diversité. C’est l’objet du colloque international Priscien.